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Extinction du Courlis à bec grêle

Dans les collections ornithologiques du Musée d’Histoire Naturelle et d’Ethnographie de Colmar, l’avifaune est un témoignage des transformations de la biodiversité au fil des siècles.

Parmi les spécimens les plus remarquables inventoriés en 2010 par Pierre Gradoz dans un article du Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle et d’Ethnographie de Colmar¹, figure notamment le Courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris), déjà présenté à l'époque comme une espèce rare et potentiellement menacée, à l’image d’autres oiseaux jadis communs mais aujourd’hui absents de nos paysages.

Le Bulletin note que cet échassier, autrefois observé lors de ses migrations entre la Sibérie et les zones humides du Maghreb, a vu sa population décliner drastiquement au 20ᵉ siècle. À l’époque déjà, le nombre d’individus en hivernage au Maroc avait chuté dramatiquement, et des ornithologues suspectaient que l’espèce pouvait déjà se trouver sur la voie de l’extinction.

Les causes : de la chasse aux transformations des habitats

L’histoire du Courlis à bec grêle met en lumière deux grandes pressions humaines. D'une part, la chasse intensive, notamment lors des migrations, a été identifiée comme l’une des causes historiques du déclin de nombreuses espèces. Vient ensuite la destruction de ses zones de nidification et d’hivernage : la steppe sibérienne où il nichait a été remplacée par des cultures intensives tandis que les marécages d’Afrique du Nord où il se plaisait à passer l’hiver ont été drainés et asséchés pour en faire des lieux de villégiatures¹. En 1974 l’effectif total de l'espèce fut estimé à moins de 270 individus. 

Ces mêmes causes sont désormais mises en avant par les scientifiques contemporains et les défenseurs de la biodiversité comme des moteurs de l’érosion du vivant, affectant non seulement les limicoles migrateurs, mais aussi de nombreuses autres espèces d’oiseaux qui voient leurs effectifs s’effondrer à l’échelle européenne.

Une extinction confirmée en 2024

Ce diagnostic naturaliste s’est tristement confirmé récemment : en novembre 2024, une étude publiée dans la revue IBIS a estimé à 96 % la probabilité que le Courlis à bec grêle soit désormais éteint². En effet, malgré des recherches intensives, l'espèce avait été observée pour la dernière fois au Maroc en 1995.

De son côté, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) note l'espèce comme éteinte sur sa Liste rouge des espèces menacées, depuis le 16 juin 2025.

Un signal d’alarme pour toute l’avifaune européenne

Si plus de 150 espèces d’oiseaux (sur environ 11000) ont disparu de la planète depuis 1500 selon l'IUCN, la plupart des disparition concernait des oiseaux endémiques fragilisés par l’insularité comme le tristement célèbre Dodo de l’île Maurice (Raphus cucullatus), ou des espèces décimées par la chasse telles que le Grand pingouin (Pinguinus impennis) et la Tourte voyageuse (Ectopistes migratorius).

La disparition du Numenius tenuirostris est donc particulièrement préoccupante et pourrait, selon Allain Bougrain Dubourg, Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) "inaugurer une longue série macabre si nous n'agissons pas."

 

¹ GRADOZ, P. (2010). À propos de la collection d’oiseaux du Musée d’histoire naturelle et d’ethnographie de ColmarBulletin de la Société d'Histoire naturelle et d'Ethnographie de Colmar, Vol. 69, 21-27.

² BUCHANAN, G. M. et al (2024). Global extinction of Slender-billed Curlew (Numenius tenuirostris). Ibis, Vol. 167? 357-370.

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