BORIC LE LYNX
Avez-vous déjà croisé le regard du Lynx boréal au Musée d’Histoire naturelle et d’Ethnographie de Colmar ? Son petit nom, c’est Boric et on vous raconte son histoire, en lien avec les actualités qui concernent l'espèce...
Boric est originaire des Carpates. Il fait partie des trois premiers lynx capturés en vue d’être réintroduit pour repeupler les Vosges. Il faut dire que le Lynx boréal n’y a pas remis les pieds depuis longtemps... Victime de la chasse, de la déforestation et de la raréfaction de ses proies - essentiellement des ongulés comme le chevreuil et le chamois -, ce grand prédateur disparaît du massif au milieu du XVIIème siècle.
Le Lynx boréal ne connait pas de frontières. Réintroduit en Suisse dans les années 70, il fait son grand retour en France dans le Jura et les Alpes. Des réintroductions suivent en Allemagne, en Slovénie, en Croatie et en France. Mais lorsque Boric est lâché le 3 mai 1983, il ne s’attend certainement pas à voir sa vie écourtée de la sorte : il est retrouvé tué par balle le 11 janvier 1984, dans la forêt de Willer-sur-Thur. Bien que sa mort soulève une vive émotion, le programme de réintroduction suit son cours. Au total, 21 individus originaires des Carpates seront réintroduits dans les Vosges entre 1983 et 1993.
Boric est naturalisé et intègre rapidement les collections de la Société d’Histoire naturelle et d’Ethnographie de Colmar. Sa présence au musée nous rappelle la fragilité d’une espèce qui peine encore à s’établir sur le massif vosgien et ailleurs, malgré les efforts entrepris.
Aujourd'hui en effet, les menaces sont encore grandes pour notre grand prédateur. Le lynx est solitaire. Il évolue sur un large territoire, jusqu’à 300 km² pour un mâle qui peut recouvrir celui de deux ou trois femelles. Les populations de petite taille souffrent d’une faible diversité génétique du fait de leur isolement. Elles sont pénalisées par une fragmentation croissante de leur habitat morcelé par les infrastructures humaines (routes, habitations…) et les collisions automobiles, première cause de mortalité de cet animal. Après les collisions avec les automobiles (58 %) le braconnage est la seconde cause de mortalité du lynx.
Classé « En Danger » dans la Liste rouge française de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le Lynx boréal est une espèce protégée au titre de différents textes internationaux. En France, il bénéficie d’une protection totale depuis 2007 et fait l’objet d’un Plan National d’Action depuis 2022. Il s’agit de réduire les menaces qui pèsent sur cette espèce, en particulier en sensibilisant et en aidant les habitants des régions concernées pour mieux faire accepter sa présence.
Face à la situation préoccupante du Lynx boréal, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité ont conduit un travail d’expertise sur la viabilité de ses populations en France, à la demande du Ministère en charge de l’Écologie - Secrétariat d’État à la Biodiversité. Grâce à la mobilisation d'un panel de quinze experts scientifiques français et suisses, un rapport d'expertise incluant des recommandations concrètes pour la conservation de l'espèce a été remis au Ministère et présenté au comité de pilotage du Plan national d'actions en faveur du lynx boréal le mercredi 4 décembre 2024.
Le rapport formule 5 recommandations afin de minimiser le risque d'extinction de la population de lynx boréal en France :
- Adopter une approche socio-écosystémique et de long terme de la viabilité de la population française de lynx boréal, en d’autres termes, tenir compte de l’insertion de l’espèce dans des systèmes dont les aspects écologiques et sociaux sont indissociables et appréhender la situation actuelle de la population dans l’histoire longue de ses relations avec les populations humaines.
- Combiner 3 différentes stratégies de conservation : améliorer la connectivité des zones d’habitat favorable, réduire les destructions légales et illégales et réaliser des opérations de translocation de conservation. Les experts insistent sur la nécessité de travailler sur ces 3 axes simultanément pour obtenir des résultats significatifs.
- Favoriser à la fois la disposition à vivre avec le lynx boréal et la possibilité de le faire par l’amélioration des relations entre et avec les acteurs locaux autour de ces questions, et par le renforcement des moyens d’action de la police de l’environnement.
- Développer la coopération internationale. Les populations françaises de lynx boréal font partie d’une métapopulation qui couvre plusieurs pays d’Europe occidentale. Il convient de renforcer le partage de données de suivi de ces populations et de coordonner les actions entreprises dans les différents pays concernés par la conservation de l’espèce.
- Combler les lacunes de connaissance pour une meilleure projection de la viabilité de la population de lynx boréal en France.